Si,
vous aussi, vous raffolez des « prodigieuses avancées scientifiques
issues des laboratoires de psychologie de pointe », vous allez adorer
celle-ci, exposée avec gourmandise par le « Wall Street Journal ». Un
certain Dave Greenfield, fondateur du Centre de comportement sur
Internet du Connecticut, est formel : votre messagerie Internet, c’est
votre cerveau. La façon dont nous gérons le flux des mails reçus et
envoyés en dit long sur nos névroses. Moins de 10 messages ouverts dans
la boîte de réception ? Vous êtes rigide, stressé, incapable de
souplesse, et vous perdez de précieuses heures à guetter l’arrivée de
nouveaux courriels pour les détruire avec un soin maniaque. Plus de 100 ? Vous voilà brouillon, bavard, submergé, bien trop indécis de nature pour être productif. Surtout si vous ne les archivez
pas dans de jolies petites catégories bien propres et nettes, puisque,
symboliquement, votre boîte aux lettres virtuelle, c’est comme une
poubelle : ne pas recycler ni vider, c’est se clochardiser à vitesse
grand V. Assez ! La femme qui écrit ces lignes est à la tête de 1 287
mails – tous rigoureusement non classés – et elle est prête à jurer sur
le Pentium de son Mac que le seul désordre psychologique grave qui la
menace, c’est de devenir paranoïaque : à force d’études dans ce
genre, en un an, elle a découvert qu’elle était totalement immature
(elle dessine des fleurs et des coeurs dans les réunions, comme 87 %
des salariées godiches, d’après une étude australienne), démotivée dans
sa maternité (envoi des cartons d’invitation aux goûters d’anniversaire
à J - 6, un signe qui ne trompe pas les psys anglais), carriériste
(elle range ses chaussures la pointe vers la porte, CQFD, expliquent
des thérapeutes italiens), castratrice (elle utilise l’impératif plus
de trois fois par jour face à son mari, une preuve pour les
comportementalistes néerlandais), on en passe. Il reste toutefois une
étude dont elle lirait volontiers les résultats : l’évaluation
psychologique de tous ces spécialistes qui passent leur vie à
décortiquer des choses minuscules au risque de rendre des gens à peu
près normaux définitivement cinglés… |